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Entre le 6 avril au 5 mai 2020, Graines de Séquoia a questionné 38 dirigeants représentant 36 entreprises ou business units avec en cumulé 140 000 salariés et 28 milliards d’euros de chiffre d’affaires, autour de trois thématiques :
- l’impact de la crise COVID-19 sur l’entreprise,
- les décisions prises et le mode de fonctionnement mis en place par l’équipe dirigeante,
- et enfin les enseignements de la crise et la préparation à la reprise et au monde d’après.
Nous remercions les dirigeants sollicités et ceux qui nous ont autorisé à mentionner leur nom et leur société, ceux-ci sont indiqués en fin de l’article épisode 1.
Ce dernier épisode d’une série de trois montre comment la crise peut être un accélérateur de changement stratégique et de transformation.
I – La crise est d’abord un incontestable un accélérateur de la transformation des entreprises.
L’accélération de la transformation digitale est bluffante tant au niveau des équipes dirigeantes que des équipe. Les DSI s’en réjouissent !La crise va aussi être un accélérateur de la dématérialisationdes activités, des processus et du sans contact.
L’organisation du travail sera profondément marquée par la crise : les organisations, les modes de fonctionnement, les méthodesde travail vont bénéficier de l’apprentissage du télétravail
- Qu’est-ce qui demain justifiera le présentiel ? Il faudra en effet repenser la présence.
- Les politiques de déplacement et de voyage vont être revues à la baisse
- La stratégie immobilière est re-questionnée : lieu des bureaux vs les habitations / organisation des espaces de travail / besoins en m2 par salarié
- La crise pose des questions sur la productivité et l’utilité telle quelle de certaines fonctions
Le modèle de management doit aussi être re-questionné pour aller vers des modèles de management par la confiance, pour renforcer l’esprit d’équipe, le collectif ainsi que la bienveillance.
C’est le moment d’accélérer encore plus fortement les projets de transformation et les démarches d’innovation, en profiter pour prendre un temps d’avance : adapter la gouvernance interne, travailler le bon niveau d’autonomie, renforcer la co-construction et co-responsabilité ; encore plus miser sur l’innovation, l’agilité et l’intelligence collective.
Pour le recrutement et la formation, de nouvelles opportunités se dessinent : plusieurs entreprises se préparent dès que la reprise seraavérée, à réenclencher tous les recrutements des profils dontelles manquaient. L’acculturation forcée à de nouvelles méthodes de formation àdistance va aussi accélérer la transformation des modèles deformation.
II – Un tiers des entreprises questionnées engage une nouvelle réflexion stratégique.
Comment prendre en compte les impacts de la crise sur la stratégie des entreprises. Quelles sont les opportunités, comment les saisir ?
Engager de nouvelles réflexions/actions stratégiques, avec pour focales :
- Comment aller chercher de la croissance dans les marchés que l’on connaît le mieux ?
- Comment renforcer la confiance des banques et actionnaires ?
- Comment renforcer la confiance des clients sur la sécurité sanitaire (et aussi des employés) ?
- Comment reprendre plus vite, être très bon dans cette phase de reprise qui va être longue ? Des nouvelles formes de prospection à inventer ?
- Sur quels sujets de notre business pourra-t-on le plus accélérer ?
- Qu’est-ce qui fait que l’on pourrait sortir renforcé de la crise? Recherche des idées et des innovations ?
Re-questionner la stratégie existante et la résilience de l’entreprise. Il va falloir être plus attentif et apprendre à mieux écouter, mieux regarderla théorie du « cygne noir », mieux s’armer pour les crises et la notion d’ « antifragilité ».Notamment pour les entreprises industrielles, les stratégies de sourcing et leurs impacts sur la supply chain sont à revoir afin de de réévaluer la vulnérabilité et la dépendance de l’entreprise selon les zones géographiques.
Plus largement, l’importance de la résilience de l’entreprise se voit renforcée, la crise pose des questions sur la localisation des activités, de ses sous-traitants, et sur son rôle dans la résilience des territoires où elle opère. Se renforcer sur les segments sur lesquels l’entreprise souffre le moins…
Regarder les opportunités d’acquisitions et de croissance externe. La crise va ouvrir pour ceux qui en ont les moyens de nouvelles opportunités d’achat et de rapprochements dans une logique de croissance externe. Ce sera le moment de repenser et de relire les logiques et les besoins de rapprochement et de partenariats.
Accélérer certaines orientations prises. Le positionnement dans les services, ledéveloppement de modèle de vente récurrent,de la vente en modèle SAAS sont mis enlumière comme des sujets à renforcer. La crise fait aussi surgir des opportunités qu’il faut saisir (ex : développement d’une machine distribuant des salades toutes faites). Cela accélère nos transformations stratégiques (alimentaire sain, développement durable,…)
Avancer sur la raison d’être et le développement durable. La stratégie développement va être renforcée,car dans la sortie de crise, il va y avoir unregard différent sur la dimension durable etc’est le moment d’y retravailler. C’est aussi le moment de revisiter sincèrement le travail sur l’identité, sur les valeurs, laraison d’être et la mission de l’entreprise, et d’accélérer le mouvement (entreprise à mission, démarche B-CORP).
III – La crise révèle enfin de nouvelles pierres pour construire le monde d’après : quelques clés.
La crise va accélérer certaines grandes tendances sociétales : les engagements vers une économie plus respectueuse du climat et de la planète et pour un capitalisme responsable vont se renforcer. La crise va accélérer des tendances : durabilité, suppression du plastique,… mais, il y a des craintes sur le fait que la thématique environnementale puisse être mise de côté.
Le pivot vers les énergies vertes et la mobilité décarbonée va se renforcer. La demande sur ces marchés se fait déjà sentir alors qu’elle plus atone sur le secteur des énergies fossiles (ex : grande distribution et logistique). Des modèles vertueux d’entreprise vont émerger (type modèle coopératif, …). Cela permettrait d’éviter les travers d’une relance consumériste qui nous ferait aller de crise en crise
Le modèle des entreprises est requestionné. La crise aura fragilisé beaucoup d’acteurs ouvrant la place à des vagues de rapprochement ou à de nouveaux entrants.
La question de modèles de financement plus résistants se pose. La gestion de trésorerie doit être renforcée et revue car ce n’est pas soutenable de l’adosser aux finances publiques. Trop d’entreprises gèrent leur trésorerie de façon précaire, il faut aider les entreprises à avoir des trésoreries plus solides : inciter à laisser plus d’argent dans les entreprises, envisager des modèles de financement des entreprises faisant moins appel à la dette pourrait être une chose saine.
L’entreprise doit renforcer son rôle de soutien de résilience au sein de la société. La veille sur les signaux faibles, le travail sur l’agilité et sur la résilience de l’entreprise vont devoir être pris en compte de façon plus forte. Le choix de ses implantations géographiques, de son sourcing, la dépendance à certaines zones géographiques va prendre du poids dans les critères de décision.
Nous arrivons à la fin de cette synthèse en trois épisodes de notre enquête. Au moment de conclure, il me semble à ce stade intéressant de revenir à nos dirigeants, et surtout de savoir ce qu’ils avaient pensé de cette démarche d’enquête en pleine crise.
A la question « qu’avez-vous pensé de l’enquête ? », ils ont mis en avant les points suivants :
❖ L’utilité d’échanger avec un tiers en dehors de l’entreprise.
❖ L’opportunité de comprendre comment est vécue la période écoulée.
❖ L’importance de prendre du recul, d’identifier des éléments de fierté et de sortir du mode de gestion de crise.
❖ L’intérêt de prendre du temps pour réfléchir à l’après.
❖ L’apport et le partage de retours d’expérience des dirigeants.
Guillaume Bousson – Président d’INNOCA & co-fondateur de Graines de Séquoia