Entre le 6 avril au 5 mai 2020, Graines de Séquoia a questionné 38 dirigeants représentant 36 entreprises ou business units avec en cumulé 140 000 salariés et 28 milliards d’euros de chiffre d’affaires, autour de trois thématiques :
- l’impact de la crise COVID-19 sur l’entreprise,
- les décisions prises et le mode de fonctionnement mis en place par l’équipe dirigeante,
- et enfin les enseignements de la crise et la préparation à la reprise et au monde d’après.
Les dirigeants sollicités qui nous ont autorisé à mentionner leur nom et leur société sont indiqués en fin de l’article épisode 1.
Ce second épisode d’une série de trois est principalement orienté sur les bonnes pratiques mises en place pendant la crise et qui sont susceptibles d’être reconduites en fonctionnement stabilisé. voir épisode 1 / épisode 3
Les relations clients, fournisseurs, partenaires sont soumises à l’épreuve de vérité car la crise dévoile parfois de façon crue la vraie nature des acteurs avec lesquels les entreprises travaillent.
Trois constats.
C’est d’abord un moment opportun pour renforcer la relation client et la confiance : beaucoup ont vite misen place des actions parfoissystématiques auprès de leurs clientspour prendre des nouvelles, maintenirle lien, remonter les problèmes clients,adapter l’activité ou l’offre de manièreconcertée. Ces démarches ont été bien accueilliespar les clients et concourent à lafidélisation client. Aussi, un travail sur la confiancesanitaire dans l’expérience clients’amorce et sera crucial pour beaucoupde marques.
La relation client/fournisseur est cependant parfois mise à rude épreuve : certains clients profitent de la crise pour « abuser » de leur position dominanteen demandant par exemple des baissesde prix extrêmement fortes, dans despostures unilatérales, sans recherched’accord et de compromis.Ces comportements entre entreprisesjugés « hors-jeu » vont laisser des traceset certains dirigeants envisagentd’inscrire la qualité du lien commecritère de choix de ses partenaires(clients ou fournisseurs) dans le futur. De nombreux comportements responsables ont aussi été notés, notamment pour trouver le meilleurcompromis dans un cadre partenarial.
Les vraies valeurs des partenaires financiers se révèlent aussi : curieusement, des acteurs de premierplan de la finance anglo-saxonne, trèsau contact quand les choses allaient bien, se sont pour la plupart évaporés. Paradoxalement, des banques avec quil’on ne travaillait pas viennent faire despropositions d’appui ou de financementde trésorerie spontanés et intéressantes(bravo notamment à certaine banques régionales françaises !)
Des enseignements intéressants aussi sur la prise de décision et « la limite du pilotage par les chiffres ».
Quatre points méritent l’attention.
D’abord la redécouverte que la prise de décision doit trouver un bon équilibre entre décision centralisée et liberté d’adaptation car la prise de décision centralisée est compliquée car pastoujours bien adaptée au local. Il vaut mieux donner des principes directeurs et laisser aux managers le soin d’adapter les choses en local fonctionne aussi mais les risques sur le résultat sont grands. La gestion d’un bon équilibre est difficile à trouver (ex : port du masque : que faut-il imposer ? que faut-il laisser au jugement des acteurs ?)
L’animation des entreprises avec des indicateurs (KPIs) très financiers montre des biais importants : les capacités de résilience, de performance etd’efficacité collective y sont très mal reflétées. Dans le private equity, l’absence de critères extrafinanciers dans l’évaluation des dirigeants pose desquestions (ce qui existe pour les entreprisescôtées)
Le rôle utile des fédérations professionnelles est à saluer : des secteurs d’activités entiers se sont appuyéssur leurs travaux pour mettre en place desmesures appropriées (ex : guide de l’OPPBTP)
L’importance d’avoir des actionnaires engagés : des conseils d’administration se sont montrés trèsconciliants : accord pour ne pas être rémunéré en 2020et pour ne pas couper les projets qui permettraient derelancer l’activité en 2021 ! par exemple.
La sortie de la crise c’est aussi des bonnes pratiques qui peuvent être mise en place dès maintenant
La période est opportune pour renforcer les compétences internes comme monter un plan de formation (enligne) pour que chacun ressorte de la crise avec de nouvelles compétences et permette à l’entreprise de se renforcer, ou profiter des offres de formation proposées et des dispositifs pris en charge par l’Etat.
La crise révèle aussi des potentiels d’amélioration au sein de l’entreprise. On peut à ce titre mettre en place un lieu d’enregistrement des idées d’amélioration afin de pouvoir les mettre en œuvre par la suite ou veiller à maintenir un état d’esprit qui allie vitesse d’exécution, de décision et transversalité.
L’organisation de la reprise est engagée et s’accélère. La plupart des entreprises ont lancé différents thèmes d’action liées à la reprise :
- Comment reprendre le mieux possible les activités
- Qu’est-ce que la crise implique sur notre organisation du travail et nos fonctionnements
- Comment innover / adapter nos offres et répondre au mieux besoins de nos clients
- Qu’est-ce que cela change pour les clients
- Quels besoins particuliers liés à la crise ? Comment le prendre en compte ?
La reprise du travail sur site industriel des activités opérationnelles est déjà bien engagée voire quasi normale. La reprise du travail sur site tertiaire s’organise, en voici les grandes tendances : le télétravail sera privilégié par la plupart des entreprises, certaines anticipent son utilisation renforcée jusqu’à mi 2021. Pour les télétravailleurs, le retour au bureau se fait principalement sur la base du volontariat, assorti dedifférents critères :
- Capacité d’accueil des sites dans des limites allant de 15% à 50% des effectifs
- Minimisation de l’utilisation des transports en commun / Capacité à venir en véhicule personnel
- Prise en compte de la situation de vie personnelle
- Données de santé…
Ce qui ressort aussi, ce sont les éléments de fierté que les dirigeants expriment
Fierté des retours positifs de la part d’employés par rapport aux décisions prises, et des messages de remerciements envoyés par des collaborateurs. Fierté de ressentir de la part des collaborateurs un sentiment d’appartenance à l’entreprise renforcé. Fierté aussi dans le fonctionnement de l’équipe (mise en configuration de crise rapidement, d’avoir réussi à prendre les décisions au bon moment et rapidement, d’être bien préparé et s’être senti assez à l’aise, d’avoir fonctionné en équipe et en intelligence collective dans une logique altruiste).
Fierté sur l’aspect social en constatant la bonne qualité du lien social, de voir s’installer un bon niveau de dialogue social aux différents niveaux de l’entreprise
Fierté d’avoir sécurisé le cash de l’entreprise, d’avoir une entreprise très peu endettée et donc extrêmement solide.
Fierté du travail efficace en ayant mis en œuvre une informatique efficace à distance, d’avoir pu mettre en place très vite le télétravail, d’avoir trouvé de nouvelles solutions, d’avoir permis la reprise du travail en s’appuyant sur le personnel pour construire une manière de travailler qui permet de se sentir en sécurité : réouverture de site
Fierté enfin sur les valeurs et de l’ancrage de la culture « Mission » de l’entreprise et du fort engagement des équipes.
Prochain article : Episode 3 – La crise comme accélérateur de la transformation des entreprises
Guillaume Bousson – Président d’INNOCA & co-fondateur de Graines de Séquoia