Pendant la période de confinement, en réalité du 6 avril au 5 mai 2020, Graines de Séquoia a questionné 38 dirigeants représentant 36 entreprises ou business units avec en cumulé 140 000 salariés et 28 milliards d’euros de chiffre d’affaires, autour de trois thématiques :
- l’impact de la crise COVID-19 sur l’entreprise,
- les décisions prises et le mode de fonctionnement mis en place par l’équipe dirigeante,
- et enfin les enseignements de la crise et la préparation à la reprise et au monde d’après.
Ce premier épisode d’une série de trois est principalement orienté sur les enseignements liés au management de la crise d’abord en mode « réflexe » puis dans sa gestion en continu.
voir épisode 2 Quelles bonnes pratiques ressortent de la crise
voir épisode 3 La crise comme accélérateur de la transformation des entreprises
A mentionner, parmi ces entreprises, 20 sont présentes à l’international et 8 dans plus de 15 pays. Quasiment tous les secteurs d’activités sont concernés par l’enquête.
I- Le premier enseignement
de cette étude est qu’au niveau macro, si la crise est vécue différemment selon les secteurs et la géographie, elle ressort comme plus pénalisante en France. C’est d’abord dû à l’asymétrie des mesures européennes reflétant bien des aires culturelles différentes : des mesures très strictes et pénalisantes dans les pays latins, des mesures plus responsabilisantes dans d’autres pays comme l’Allemagne où la règle est plutôt : « on peut tout faire sauf ce qui est dangereux ».
II – Le second enseignement
est relatif à la bonne qualité du basculement en mode de gestion de crise avec un processus rapide de décision.
Dans les faits, la mise en place des cellules de crise et de PCA a été systématique et s’est plutôt bien déroulée. D’abord parce que beaucoup de PCA étaient prêts. Et si comme le disait le général Eisenhower, le plan n’est rien, en revanche l’exercice de planification et de préparation a été payant. Bascule par ailleurs facilitée par la qualité des outils de travail à distance.
Les principales actions décidées en mode quasi réflexe se répartissant en 6 catégories :
1) La préservation de la santé/sécurité des personnes (télétravail massif dès que possible, prise des CP/RTT, compteEpargne Temps inversé, chômage partiel, mise en place des mesures barrières et adaptation du travailpour permettre la distanciation, achats de stocks de masques/gel…)
2) La sécurisation et le pilotage fin du cash ( recouvrement, lignes de crédit, PGE,…)
3) La réduction des coûts (pour la plupart, gel des CAPEX, des projets, réduction aumaximum des OPEX et flexibiliser les coûts, chômage partiel (jusqu’à plus de 80% du personnel), baisse de rémunération des dirigeants, pouvant aller jusqu’à50% et faite sur la base du volontariat).
4) Soutien du personnel et de la société (des gros efforts faits sur la communication interne, aides pour les salariés en difficultés : compensations despertes de salaires, transports, relais psychologiques, actions de solidarités (dons de masques, fabrication devisières, mise à disposition de services…)
5) Maintien de la relation et communication vers les clients et les fournisseurs (sécurisation des approvisionnements, maintien du lien pour faire face collectivement aux difficultés).
6) Travail sur la reprise des activités (des « Capitaines » Santé qui vérifient les gestes barrières, certains acteurs qui se préparent à un mois d’août « travaillé »…
A noter que les entreprises faiblement affectées par la crise n’ont pas fait appel au chômage partiel et se sont concentrées sur les actions 1), 4), 5), 6).
III – Le troisième enseignement
est que la plupart des équipes dirigeantes portent un regard le plus souvent positif sur leur fonctionnement et leur efficacité collective et ce malgré le travail à distance
Là où cela a moins bien marché, les causes invoquées ont été : des difficultés à travailler en équipe en mode distant pendant plus de 6 semaines, l’émergence de comportements isolationnistes.
Un constat unanimement partagé la crise est un révélateur des choses qui ne fonctionnaient pas bien et avoir résolu les tensions avant permet d’être efficace dans la crise.
On peut d’ailleurs isoler des comportements facilitant l’efficacité collective : la connaissance interpersonnelle préalable, un engagement positif, tout le monde a fait des efforts, « on se soutient », mais aussi une bonne qualité des échanges (transparence, posture d’écoute et d’attention), une fréquence adaptée des échanges qui renforce la proximité, la discipline ( ponctualité et respect des engagements) et enfin des lieux de détente et d’humour: groupes whatsapp…
On retiendra qu’avoir déjà travaillé sur le fonctionnement et sur l’intelligence collective avec son équipe permet de s’adapter encore mieux au mode distant : réunion avec des rôles délégués, une meilleure régulation collective. Et que les réticences liées au télétravail sont désormais levées, l’efficacité des outils comme Teams, Zoom a été saluée par beaucoup.
IV – Le quatrième enseignement
sans surprise, est que cela a marché là où un accent fort a été mis sur l’animation managériale, la communication et l’écoute interne. Car ne nous le cachons pas, « la gestion humaine est difficile à distance ».
Cela passe d’abord par une communication directe à tous les employés, avec de nombreuses initiatives : création d’un magazine interne spécial crise, création d’un intranet dédié COVID / de channels Slack, développement d’une app pour la communication COVID accessible à tous sur mobile où chacun peut donner des nouvelles, envoi régulier d’e-mail et de sms aux collaborateurs, envoi de vidéos des dirigeants, mise en place de podcasts, organisation de webinars, de Live Event internes, d’espace questions / réponses.
Ensuite par une animation du management fortement renforcée. Celui-ci a été fortement mis sous tension grâce à des actions d’animation et de communication (TOP40, TOP100,ensemble des cadres…) par call ouvidéos souvent hebdomadaires, avec par exemple ouverture d’un fil Yammer dédié aux managers pour les soutenir. Il a pleinement joué son rôle de relais dans l’entreprise : prise de nouvelles des collaborateurs une fois par semaine, animation des collaborateurs n’ayant pas d’ordinateur via SMS ou Whatsapp,
Et enfin par un effort fait pour maintenir le lien social, car la crise révèle les fragilités avec lamise en place de canaux d’écoutepersonnalisés pour les collaborateurs et de dispositifs de suivi des personnes isolées : une hotline interne, accès à coach, de l’assistance sociale, SOS écoute… avec l’organisation de moments de convivialité dans les équipes : e-café, apéro virtuel, elunch… ,
La création d’espaces de détentes improvisés, la possibilité des rencontres impromptues au sein de l’entreprise s’avère tout de même difficile et certaines pratiques sont irremplaçables.
V – Enfin, le cinquième enseignement
est le renforcement visible de l’engagement des équipes et l’émergence de choses nouvelles, même si des points d’attention restent à surveiller.
Si l’engagement était bon, il est encore plus fort maintenant. L’on constate partout un grand sérieux des personnels : même à distance, les gens travaillent beaucoup, l’on constate une solidarité autour des décisions prises avec très peu de tensions sociales et des partenaires sociaux plutôt constructifs.
C’est aussi ce qui fait dire que la crise révèle les valeurs de l’entreprise. Les valeurs humaines s’exprimentplus que l’on ne pouvait l’imaginer, la qualité du lien social est souvent saluée (souci des autres, solidarité…), la responsabilité sociale s’exprime de façon plus spontanée : soutien local, soutien au monde médical,…l’esprit entrepreneurial des équipes locales est apprécié. Pour les entreprises ayant des missions de services publics, celles-ci prennent du sens et donnent un élan très positif en interne.
Bonne surprise : le télétravail se révèle très efficace et fait l’unanimité. Un grand pas s’est fait tout d’uncoup pour adopter de nouveaux outils de travail et de nouveauxmodes de travail. La solidité et la performance dessystèmes IT pour travailler à distances’avèrent plus fortes qu’imaginées. L’efficacité du travail à distance estsaluée : on prend le temps de fairedes points plus structurés, d’écouter,de prendre plus de recul, de mieuxformaliser.
Néanmoins des points d’attention sont à soulevés notamment en fin de période : des tensions commencent à se faire sentir, le besoin de reprendre le travail s’exprime de plus en plus.Il manque des temps d’interactions informels, il n’y a plus le contact avec tous les niveaux de l’entreprise. Le télétravail induit aussi une désocialisation de l’entreprise, avec un télétravail durable, il faudra repenseret organiser la socialisation, repenser la présence.
Prochain article : Episode 2 – Quelles bonnes pratiques ressortent de la crise ?
voir épisode 2 / voir épisode 3
Merci aux dirigeants ayant participé à cette enquête et nous ayant autorisé à citer leur nom :
- Thierry Bernard – groupe CHRYSO
- Jean-Marc Bianchi – TOKHEIM SERVICES group
- Jean-Philippe Bitouzet – SAINT-GOBAIN Glass Bâtiment FR
- Bernard Blanco – groupe ARVAL
- Jérôme Bonduelle – groupe BONDUELLE
- Laurent Bonnaure – groupe MANITOU
- Frédéric Bourg – EPS – BPCE MUTUELLE – CGPCE
- Jean-Christophe Bretxa – METRO PROPERTIES
- Catrena Brimelow – EUROPCAR Mobility Group
- Cary Bruce – EBSCO Information Services Europe South Africa
- Fabrice Collet – B&B HOTELS
- Philippe Donikian – COLLIERS France
- Marie-Gabrielle Giovansily – AGPM
- Pierre Guillet – HESION / EDC
- Lucette Lagoutte – Groupe R-MECA / CMA Industry
- Bertrand Lamour – IFOCOP
- Guillaume Latil – PAREX LANKO
- Jean-Luc Lavenir – SIGNIFY France
- Emmanuel Lesage – SOPROFEN
- Bruno Liger-Belair – SMATIS / UNIPRÉVOYANCE
- Gilles Mabire – CONTINENTAL BU CVS
- Carmen Munoz – CITELUM
- Laurent Musy – groupe TERREAL
- Bruno Liger-Belair – SMATIS / UNIPRÉVOYANCE
- Gilles Mabire – CONTINENTAL BU CVS
- Carmen Munoz – CITELUM
- Laurent Musy – groupe TERREAL
- Jean-Noel Picard – Schülke Group
- Laurent Sireix – groupe ISTA
- Thierry Trouvé – GRTgaz
Graines de Séquoia est un collectif original ayant pour mission d’accompagner les dirigeants et leurs équipes dans des transformations efficaces et positives ; avec l’intention de relier efficacité des réponses aux enjeux business et développement positif des femmes et des hommes. C’est une équipe de 10 personnes avec des valeurs communes et qui portent des expertises en matière d’accompagnement et de coaching de dirigeants, d’innovation, de transformation et de management.
Merci à l’équipe qui a contribué à l’élaboration de cette enquête : Claire Bollenot, Céline Néouze, Paul Foegle, Chrystel Galissié, Jo Leymarie
Guillaume Bousson – Président d’INNOCA & co-fondateur de Graines de Séquoia